Après un accouchement dans la douleur à l’issue d’un processus entravé et périlleux, le chef du gouvernement désigné, Elyes Fakhfakh, a rendu sa copie finale tard dans la soirée de mercredi dernier. Un gouvernement composé de 33 ministres et secrétaires d’Etat, soit une dizaine de moins que le gouvernement Jemli mis en échec.
Tous les regards seront tournés vers l’Assemblée des représentants du peuple (Arp) où le chef du gouvernement désigné devra présenter mercredi prochain son équipe gouvernementale aux députés pour solliciter leur confiance et mettre en place officiellement son gouvernement après quatre mois de la tenue des élections législatives. Même si son gouvernement ne fait pas le consensus, Elyes Fakhfakh serait dans une position plus confortable que celle de son prédécesseur dans la mesure où le vote pour son gouvernement est synonyme de non-dissolution du Parlement. Mais qu’en pensent les partis politiques, notamment ceux qui forment la ceinture politique de cette composition? Jusqu’où pourra résister cette alliance gouvernementale déjà fragilisée par les tractations de formation du nouveau gouvernement? Dans quels environnement politique et économiques et conditions le chef du gouvernement désigné va opérer ses choix?
Actuellement, sauf nouveau rebondissement ou revirement de position, le chef du gouvernement désigné bénéficie de l’appui politique d’Ennahdha, du Courant démocratique, du Mouvement du peuple et de Tahya Tounès, ce qui lui garantira le total des 109 voix nécessaires pour obtenir l’aval de l’ARP, à ceci s’ajoutent les 15 voix du bloc de la réforme qui n’a pas encore tranché, mais se dirige vers l’octroi de sa confiance au gouvernement Fakhfakh, sans compter les voix de certains indépendants.
Cependant, si le parti Qalb Tounès décide de ne pas accorder sa confiance au gouvernement comme le confirment ses dirigeants, le chef du gouvernement désigné sera confronté à une opposition féroce composée de ce parti, 38 sièges, du Parti destourien libre (Pdl), 17 sièges et de la Coalition Al-Karama, 19 sièges, qui ont déjà annoncé qu’ils ne voteront pas pour le gouvernement Fakhfakh.
Ennahdha satisfait, insatisfait ?
Juste après l’annonce de la composition du gouvernement, le mouvement Ennahdha a indiqué avoir décidé de participer au gouvernement Elyes Fakhfakh et de lui accorder la confiance. «Après les modifications apportées à la composition du gouvernement proposé par Elyes Fakhfakh dans le sens d’un surcroît d’efficacité et d’équilibre, le bureau exécutif a décidé de prendre part au gouvernement Fakhfakh et de lui accorder la confiance», a-t-on annoncé. Le bureau justifie sa décision par «la conjoncture régionale complexe et dangereuse» découlant en particulier «des menaces de la guerre en Libye et de la situation économique et sociale à l’intérieur du pays».
En effet, si le parti a décidé de participer à ce gouvernement, cela n’empêche qu’il a émis certaines réserves notamment en ce qui concerne sa nature, car pour Ennahdha il était fondamental de mettre en place un gouvernement d’union nationale. Néanmoins, le chef de ce parti, Rached Ghannouchi, a affirmé, hier dans des déclarations médiatiques, que le gouvernement Fakhfakh renferme des personnalités partisanes pesantes, qui se pencheront sur la mise en place d’un programme de gouvernement. «La composition de ce gouvernement est équilibrée, Ennahdha est satisfait car nous pensons qu’il s’agit d’un gouvernement qui réunit une représentativité partisane et parlementaire», a-t-il noté, contrairement au communiqué de son parti publié la veille.
Primauté des intérêts suprêmes du pays
Si certains partis, même ceux qui composent la ceinture politique du gouvernement Fakhfakh, ont émis certaines réserves quant à sa composition finale, ils ont, au nom des intérêts suprêmes du pays et des citoyens, annoncé leur prédisposition à appuyer politiquement ce gouvernement et à y participer.
C’est notamment le cas du Courant démocratique et du Mouvement du peuple qui ont, tous les deux, annoncé qu’ils accorderont leur confiance à ce gouvernement en dépit de quelques réserves émises. «Même s’il ne s’agit pas de la meilleure composition que nous avons souhaitée, nous allons accorder notre confiance à ce gouvernement», a assuré, dans ce sens, Zouhaïer Maghzaoui, secrétaire général du Mouvement du peuple.
« Peut mieux faire », c’est également le constat du parti Tahya Tounès concernant la composition proposée par Fakhfakh. Le parti a également montré son insatisfaction compte tenu de ce gouvernement estimant, à travers son député Mustapha Ben Ahmed, que ce gouvernement « est mieux que le vide ».
Notons que c’est pour la première fois qu’un ministère régalien sera confié à une femme, il s’agit de Thouraya Jeribi, qui a été proposée pour le département de la Justice.
Le bureau de l’Assemblée des représentants du peuple a décidé, rappelons-le, de tenir une séance plénière mercredi prochain qui sera consacrée au vote de confiance au gouvernement Elyes Fakhfakh. S’il obtient l’aval des députés, Elyes Fakhfakh succédra officiellement à Youssef Chahed, qui a assuré la période intérimaire qui a duré plus de quatre mois.
Liberte
21 février 2020 à 12:52
Il ne faut jamais crier victoire avant la fin du vote de confiance de l’ARP